Avril

Paris, le 2 avril 1996.
Très chère Sandre,
A mon tour de t'expédier une inspirante carte [Rembrandt, Le Bon Samaritain], signe d'une nouvelle venue des cieux.

La semaine s'annonce comme une grande vadrouille pour visiter coins et recoins de l'Aisne.
Dans l'attente d'être plus prolixe, tendrement.
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Château d'Au, le 3 avril 1996.
Sainte Sandre,
Je te fête ici, avec retard mais intensité. Très touché par ta petite carte en forme d'écrin poétique. Je vais improviser ci-dessous quelques vers libres prenant leur souche dans les lettres de ton prénom :


Saoul dans la fragrance de ta chevelure,
Attisé par l'élégance de ta cambrure,
Noyé d'émotions au rythme des pures
Déclarations, j'effleure le parchemin sans démesure.
Rire, par ta plume ou par tes cordes, je jure
Ici la jubilation éprouvée par cette sonore peinture
Née des joyeux émois de ta pétillante nature,
En hommage ici aux accents rares de ton humaine carrure.


Voilà ma douce, à très vite.
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Le 5 avril 1996.
Touchante Sandre,
Sitôt arrivé dans notre Big Lutèce, une douceur m'attendait. Ton courrier mérite une longue réponse et une réciprocité dans la mise à nue de sa sensibilité.
J'espère que les Pâques se sont bien déroulées.
Tendrement.
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Aut., le 10 avril 1996.
Douce amie Sandre,
Quel plaisir de lire et relire tes multiples courriers et cartes. Tout cela m'est très précieux. A tel point qu'il ne faudrait pas bousculer cette magnifique amitié épistolaire par un brusque changement de nature. Compter l'un sur l'autre, sur sa présence et son affection intense, sur sa complicité et son pétillement, voilà un objectif rare que nous atteignons.
[Rêves-tu de me bâillonner ?]
Grand dieu non ! Ou alors avec une étoffe de soie. Notre doux rapport me comble amplement.
[La vie sans voiture serait pour moi impossible. Pourquoi ce retard ? Tu aimes quoi comme modèle ?]
Jamais eu d'attirance pour ces engins (même si je reconnais leur praticité) et j'adore me faire conduire, mais j'y viendrais bientôt. Dans les voitures de rêve, les Jaguars ont ma préférence.
[Pourquoi ne te sens-tu pas prêt pour une progéniture ?]
Je ne me sens ni assez mûr psychologiquement, ni suffisamment arrimé matériellement pour assumer un nouveau-né. Mais tout dépend aussi de l'antre magnifique qui recevra ma semence... hé hé ! Je ne me sème plus à tous vents !
[Qu’est-ce que tu as bien pu lire à ton frère ?]
Petit passage où tu me disais des gentillesses... mais rien de compromettant sur toi... Ah ! il faut bien soulager son ego de temps en temps.
[Tu connais les Cranberries ?]
J'adore les Cranberries... je ne vais pas tarder à acheter un CD de leur cru. La femme fait des décrochages vocaux fabuleux. Nous en avons déjà parlé, alors je ne radote pas...
Toutes tes photos sont précieusement gardées dans un album perso. Ta petite photo est dans mon portefeuille. Tu es là...
Pour les questions juridiques, je te donne une première impression : obligation alimentaire entre parents et enfants. Obligation de délivrer quittance de loyer... Envois moi copie de ton bail. Je te réponds plus longuement dans une prochaine. Tendrement et gros bisous.
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Au, le 11 avril 1996.
Touchante Sandre,
Reçu ton courrier petit format mais dense de contenu.
Comme promis, je t’envoie copie de notre correspondance de 92. Tu pourras vérifier combien je n’ai pas joué un beau rôle à la fin.
Par manque de temps, je préfère t’expédier ce courrier aujourd’hui et répondre aux différentes questions laissées en suspens une prochaine fois.
Tendres amitiés.
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Château d’Au., le 12/04/96.
Ma Sandre,
Je viens, enfin !, de parcourir les vers libertins (pour le XVIe siècle en tout cas) de cette délicieuse et dévergondée Louise Perrin, dite Labé.
Un dommage de taille : comme pour Montaigne, il conviendrait de moderniser la langue. Que nous importe la forme ancienne : seules comptent la musique poétique de Louise Labé et les réflexions de Montaigne. Laisser en l’état, c’est du snobisme, je trouve. Enfin, je fustige contre les éditeurs, pas contre toi ma douce. Et merci encore.
N’hésite pas à m’envoyer toutes les photos de toi en robe, en salopette ou sans rien. Ce sera toujours un plaisir pour mes mirettes.
Je ne connais pas les étoffes de chez Kenzo. Si tu as des révélations à me faire, ne te retiens pas un brin. Et je te garde comme unique cavalière de juillet.
Curieuse, à première vue, ta peur de me voir, mais je pense te rejoindre sur le fond. Notre échange est tel qu’il ne faudrait pas le malmener par une entrevue mal assumée. En même temps, si tes sentiments ne tiennent qu’à ma non concrétisation, n’est-ce pas ton esprit qui crée l’attachement ? L’idée d’une complicité fraternelle que tu relances me touche, sœurette adorée ! Et ne t’embête pas à venir à Limoges : je n’en vaux pas la peine... hé hé.
[Es-tu très chocolat ? Tu as eu des cadeaux pour Pâques ?]
Le chocolat est une éternelle gourmandise : au lait je préfère. Avec du nougat à l’intérieur : un délice... Je te pique volontiers ta part. Rien eu pour Pâques, si ce n’est ton adorable œuf non comestible...
[Aimes-tu tes parents ?]
Affection certes pour mes parents de sang, mais lucidité et conscience de ce qu’ils ont fait de la famille : un désastre. Jamais ils n’auraient dû se rencontrer... mais je n’aurais pas été là pour m’en féliciter, hé !
Il est minuit dix-neuf du 12 avril... Mes paupières se ferment d’elles-mêmes.
Je t’embrasse et à très vite.
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Le 12/04/96.
Sandre,
Petit complément sérieux sur le plan juridique :
– Problème d’obligation alimentaire enfants-parents (ci-joint photocopie Code civil) ® loi + jurisprudence.
– Obligation de délivrer quittance de loyer par propriétaire : (ci-joint copie de l’article 21 de la loi du 6 juillet 1989).
Je te conseille pour ce dernier problème d’envoyer un courrier en recommandé avec ar au propriétaire en réclamant pour l’avenir que te soit fournie automatiquement une quittance mensuelle du loyer versé. Faire référence à la loi.
Je suis à ta disposition, ma douce, pour te rédiger le courrier.
N’hésite jamais à me demander des renseignements ou à me soumettre tout autre problème.
Ton tendre obligé.
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[Envoi de L’ombilic des Limbes d’Antonin Artaud]
A moi de te faire découvrir ce génial déphasé, détenteur d’une écriture organique, coucheur de pensées pures. Je ne l’ai connu qu’après avoir écrit ma poésie. Une rencontre littéraire comme avec Bloy et Léautaud.
Bonne lecture tourmentée.
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Samedi 13 avril
Passages toujours aussi rares. Je me force à remplir ces pages. A l’origine, j’avais débuté ce Journal pour ne pas perdre le lien avec l’écriture. Il est en effet le seul genre littéraire (hormis l’épistolaire) qui ne se charge pas des difficultés de la créativité. La narration de son existence et la transcription de ses pensées suffisent. L’unité, c’est sa propre vie.
Actuellement, je mobilise ma plume pour mon mémoire de lettres et pour une correspondance abondante avec une délicieuse et pétillante jeune fille : Sandre R.
Je dois aller la voir le week-end prochain.
J’avais eu un bref lien épistolaire avec elle en 1992, mais interrompu de mon fait au bout de quelques mois. Mes vœux envoyés pour 1996 ont permis de renouer avec elle. Je ne manquerai pas le coche une seconde fois.
Evénements familiaux : Line, ancienne épouse de Heïm, a téléphoné à Hermione, agressive envers le château, persécutrice, voulant « sauver » sa fille. Pitoyable !
Après enquête téléphonique, Heïm apprend de Mme C (ancienne belle-mère) que Alice et son mari se rendent depuis huit mois chez eux. Heïm avait annoncé ce danger. Explication de tous les problèmes que nous avons : dernièrement, lettre anonyme envoyée au Crédit foncier qui a financé l’achat de l’immeuble sis avenue Roger Salengro à Chaulnes.
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Château d’Au, le 15/04/96.
Ma bien-aimée complice,
Je viens d’achever mon déjeuner dans le parc du château en cette magnifique journée printanière. Les oiseaux chantonnent de toutes parts autour de moi, quelques croassements plus lointains me rappellent qu’il faudra trucider quelques corbeaux pour qu’ils nous laissent en paix ; le soleil me chauffe les bras et la tête.
Ravissement de notre dialogue d’hier au soir. Fondamental penchant pour toi Sandre, et bonheur immense de venir te voir à la fin de cette semaine. Le bien que tu me fais par ce que tu es va peut-être faire s’évanouir cette méfiance qui ronge souvent mon rapport aux autres.
Je reprends tes derniers courriers pour remplir mon vœu de transparence.
Ta carte des amants enlacés de Klimt constitue-t-elle un appel ? Elle m’évoque la phagocytose plus ou moins digérée de deux humanoïdes en rut. Tu apprécieras mon sens de l’art moderne, sans vouloir te choquer.
[Tu es très mignon quand tu oublies des mots dans ta jolie prose.]
Voudrais-tu me dire où j’ai fait des cochonneries, hé hé... aurais-je oublié quelques mots dans une de mes correspondances ?
[Je vais t’offrir un coffret à missives, tu vas en avoir besoin ?]
Je veux bien d’un joli coffret peint par toi, ma généraliste préférée.
[Tu trouveras dans cette lettre les poèmes dont je t’avais parlé. C’est ma foi bien romantique tout ceci. Décalé par rapport au quotidien barbare.]
Merci pour ces jolis vers que je vais m’empresser d’ingurgiter dès que Chronos m’en laissera le loisir. J’ai au château une panoplie de poètes à ma disposition, et donc à la tienne. Emets tes désirs et je m’efforcerais de les réaliser.
[J’ai eu plein d’œufs en chocolat, je vais devenir une grosse dondon si je les mange tous. Tu ne veux pas m’aider ?]
Je suis à ta disposition pour dévorer toutes tes confiseries, y compris ton délicieux berlingot... (oh le cochon vingt dieu !). (Gros rire gras après une bâfrée de frites...)
[Tu aimes le foot ?]
A crénom de bordel d’enflure de cacatoès de sportifs à la noix véreuse ! J’abhorre le foot...
[Comment s’appellent les chiens du château ?]
Belle la chienne, Théo et Patouf-chien les deux mâles. Moi c’est Loïc, mâle aussi.
[Connais-tu Edvard Grieg, Sibelius ? J’oubliais Debussy.]
Je suis très nul en musique classique, mais je ne demande qu’à apprendre... J’ai une amie à Paris qui est violoniste...
[Connais-tu Saint-Honorat et Sainte-Marguerite ?]
Elles ne m’ont pas été présentées...
A tout de suite ma Sandre.
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Du train Paris-Laon, le 23/04/96.
Immanente Sandre,
Bien calé dans la banquette du monstre d’acier, Sting en rythme dans mes cavités aux trois osselets, j’active la bille, à défaut de plume.
Week-end de révélations pour moi qui n’ait pas de tendance mystique. Ta rencontre m’a fait un bien précieux. Tes qualités fondamentales d’intelligence, de sensibilité, de féminité, de pétillement, de sensualité prête à se dévoiler, de rigueur fleurant bon l’intégrité naturelle, m’ont confirmé dans mes présages. Le désespoir constructeur qui t’anime, attitude typiquement aristocratique, intensifie cette symbiose naissante entre nous. Je sens tout simplement que tu peux me rendre heureux, utilité essentielle donc de notre rencontre, au contraire de ce que tu semblais redouter.
A moi de surmonter mes atermoiements et de modérer les effets d’une quête vaine de l’entéléchie féminine. Ce conflit intérieur se dissipera, je l’espère, face aux belles perspectives que tu pourrais m’apporter. Mon besoin charnel de toi sera un des éléments déterminants, et je devine en toi des potentialités qui n’attendent qu’à s’épanouir.
A toi, aussi, de me dire sans fard ce que tu attends et espères de moi.
La douceur enivrante d’une mélodie, la mélancolie troublante d’instants partagés, et me voilà glissant vers les songes, bercé par le tangage ferroviaire...
A toi, ma tendre, pour le meilleur.
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Le 24 avril 1996.
‘tite Muse, Sandre douce,
Un petit présent pour toi en hommage à toutes les touchantes choses que tu m’as écrites. J’espère que la chute de la dédicace que je t’ai écrite dans ce recueil ne te choquera pas... C’est une coquinerie facile, mais une gourmandise de toi bien réelle.
Par manque de temps, je ne peux t’inscrire tout le bien que tu me fais... mais sache que mes pensées vont intensément vers toi.
Je t’embrasse très tendrement ma douce...
[Dédicace sur un exemplaire de Heïm et les gros niqueurs.]
"A toi ma Sandre,
Ce recueil de textes au vitriol, joyeux, turbulents et incisifs ; Heïm et les gros niqueurs va à l’encontre du monde des « mollusques » que tu abhorres...
Très tendrement...
Si j’osais... Ton doux niqueur... avec tout son amour."
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Jeudi 25 avril
17h25, Au. Je prends le train de 19h12 à Marle-sur-Serre pour Paris via Laon. Demain, départ pour Limoges où se tient un Salon du livre pendant trois jours. Je retrouverai Madeleine Chapsal qui a très gentiment accepté de préfacer un ouvrage de référence sur le Limousin que nous allons rééditer. Nous profitons de l’importante manifestation culturelle (500 auteurs invités, 100 000 visiteurs attendus) pour lancer la souscription de cet ouvrage.
Les frais des auteurs, auxquels je suis assimilé, sont pris en charge par la mairie de Limoges (train, hôtel, restauration).
Mon week-end avec Sandre s’est merveilleusement passé. Découverte d’un petit bout de jeune femme adorable et réunissant les qualités principales que je recherche chez une demoiselle.
Elle respire l’intelligence, l’intégrité, la rigueur et le pétillement. Tous ses comportements me sont doux. Sa sensualité et son épanouissement à venir laissent présager un équilibre fondamental sur le plan charnel.
Depuis mon retour dans le nord, ses lettres sont véritablement enflammées. Je crois pouvoir envisager une relation très sérieuse et très joyeuse avec ma Sandre en braise. Enfin, ce bonheur dans l’amour, l’aurais-je rencontré ?
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Train en partance pour Limoges, le 26 avril 1996
Sandre, mon aimée,
Dans mon gros cartable noir, un dossier spécial avec les cinq cartes et lettres reçus depuis lundi, et le nécessaire pour te répondre.
Juste avant mon départ, je trouve dans ma b.a.l. un paquet déjà familier. Merci ma Sandre adorée pour ce joli livre et pour sa tendre dédicace. Mes bagages, déjà au complet, n’ont pu l’accueillir, mais je m’empresserai de découvrir l’histoire de la capitale des Gaules à mon retour.
J’ai donné ta photo prise au château de Blois à reproduire en deux exemplaires : une à découper pour mon portefeuille, l’autre pour mon album. Ainsi, entre tes écrits et ta silhouette, tu m’accompagnes à chaque instant.
Sandre ma ravissante, l’alchimie de tes mots passionnés, la fraîcheur de tes exclamations attentionnées, l’élan sans ambages de chacune de tes phrases m’emplissent d’un bonheur depuis longtemps espéré.
Je vais à nouveau m’adonner à l’un de mes grands plaisirs : répondre à tes multiples interrogations. Dissiper tes angoisses sous-jacentes est aussi un devoir.
Je voudrais en effet que ce rapprochement mutuel, où la fusion serait comme un horizon sans cesse renouvelé, dévoile nos vies, nos tourments, nos pensées, nos saillances existentielles. Belle Sandre, je te désire dans tout ce qui te constitue, dans tes arcanes les plus inénarrables, dans les sédimentations de ton âme et de ton passé, dans ton corps à apprivoiser...
Ne crois pas que je me réduise à l’un de tes songes. Je suis, chaque jour, plus ancré dans ton existence. Persécuteur, oui, pour que notre amour se charge des plus enivrantes couleurs. Ces « germes d’amour », comme tu l’écris, n’ont rien de la pousse éphémère. Prenons exemple sur les cèdres bleus que nous avons vus ma Sandre, et que les années nous rendent magnifiques.
Mon désir de toi se révèle aussi corporel, faire exulter tes antres, boire à tous tes calices, te réchauffer par mon corps et mon fluide... Une correspondance coquine avec toi serait peut-être le moyen d’entretenir nos brasiers charnels... et le plaisir dualiste doit aussi pouvoir s’incarner en discours et en écrits. Nous sommes en cours pour être l’un à l’autre, ne nous refusons pas ce qui est un des éléments importants de notre lien. La géographie nous distancie, mais nous vivrons nos émotions par ce moyen de toujours.
Chaque ouverture de tes enveloppes me réserve un bien supplémentaire, et c’est trois-quatre fois que je lis ta petite musique épistolaire. Et des mots aux gestes, ta sagesse restera celle de ton intégrité humaine, de ton sérieux et de ta morale. Nos ébats rimeront avec don de soi.
Je vais profiter de ce week-end du livre pour me laisser bercer par tes poètes préférés.
[Quelle est donc cette « quête de l’entéléchie féminine » ?]
C’est la volonté de dénicher la muse de ma vie, qui m’inspirera au plus haut point dans sa vie, son âme et son corps. L’existence rabat les recherches d’absolu... Mais peut-être que par toi je rejoindrais ce point de mire...
[En quoi ton « besoin charnel » de moi sera-t-il un « élément déterminant » ?]
Je suis un coquin-né, un gourmand des plaisirs sensuels et sexuels, et j’ai toujours été obligé de brider mes instincts : soit que la jeune fille était moins délurée que moi, soit que je ne la désirais pas assez, soit que le caractère éphémère de la relation privait de l’essentiel tout rapport. Avec toi, je sens que ces trois points ne s’interposeront pas et qu’une dimension supérieure embrasera nos enlacements.
Je commence à éprouver une forme d’enchan­tement. Ta présence, quelle que soit sa forme (tu peux aussi m’enregistrer des cassettes de ta voix) est devenue essentielle à l’équilibre de mes jours. Ton corps reste encore pour moi dans une nébulosité nocturne, mais de ce que j’en ai goûté j’en suis déjà accroc...
[J’aimerais te voir souvent, l’attente est difficile. Pourquoi ne résides-tu pas à Lyon ? (Sourire)]
La distance est certes ennuyeuse, mais je veux que tu achèves tes études. Venir m’installer à Lyon ou toi à Paris, au-delà du bonheur quotidien, ne nous aiderait pas dans les tâches que nous avons à accomplir. Je sais que tu blaguais, mais je sais aussi que nous avons tous les deux profondément envie de cette vie commune... J’essaie de mettre un peu de raison dans tout cela, héhé ! Et la préservation farouche de ton indépendance ?
[Est-ce que nos étreintes te manquent ? N’as-tu pas de limites dans les draps de tes alcôves ? As-tu déjà écrit des lettres d’amour ?]
Oui tes étreintes me manquent, la danse de tes courbes, le nacre de tes jambes, le velours humide et brûlant de ta bouche et de ta petite chatte, les petits cris aigus que tu me réserves... Oh, oh là, on se calme...
Point de limite dans notre alcôve, si ce n’est celle de nos propres plaisirs... Nous avons tant de choses à découvrir ensemble... c’est l’œuvre d’une vie. J’espère qu’à la lecture de ces lignes tu percevras la dissipation de mes incertitudes.
Je n’ai personnellement que peu écrit de lettres d’amour... Je suis d’instinct plus porté au déconnage ou à la réflexion littéraire... Mais je me sens en mutation, grâce à toi.
[Seuls tes tourments intérieurs te font donc peur ?]
Je crois que tu as bien saisi : c’est de moi que je dois me méfier, et non de toi, mais je connais ma capacité à me diriger en état de croissance. Si inquiétudes ou doutes il y a, tu en seras la première informée.
Mon train passe en ce moment à Vierzon. J’espère t’avoir rassuré sur mon penchant et te retrouver dans mes bras très bientôt.
Je vais reprendre les Mémoires interrompus de François Mitterrand, commencés hier lors de mon voyage de Laon à Paris et fort passionnants. Le politique n’est vraiment pas dans mon cœur, mais le destin de l’homme, son amour charnel pour la France et la stature d’homme d’État qu’il a acquise me réconcilient avec celui que je surnommais dans mes chroniques, un peu affectivement ma foi, Fanfan mité.
Sur ce, je pense toujours à toi, Sandre, ma bien-aimée. De brûlants baisers.
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Le 29 avril 1996
[Carte avec le tableau Moisson de Karl François Daubigny]
Sandre braisée,
De retour dans les vieux murs de la nationale, j’ai à mes côtés ta délicieuse et très jolie carte au nœud rouge. Sans écrit nouveau de toi depuis vendredi (non inclus) je commençais à être en manque.
Petit paysage champêtre pour te rappeler nos déambulations dans la bourgeonnante nature.
Je pense pouvoir venir le vendredi suivant, le 8 mai.
Baisers goulus.
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Laon, le 30 avril 1996
[Carte avec le tableau La méridienne (d’après Millet) de Vincent Van Gogh]
Une envie de foin avec toi ma Sandre adorée (pas en deux mots, hé hé) ? P’têt’ ben. Je retourne au bercail et je vais mettre un coup d’accélérateur à la rédaction de mon mémoire.
Limoges nous a reçu comme des princes, mais je me suis senti un peu seul sans ma belle lyonnaise. Une touche de bleu pour toi, aux antipodes des Vents de gogues de mes chroniques.
Tendrement.
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