Juin

Le 3 juin 1996.
Au creux grisant de leur courbure, je goûte à leur ferme rebondi dont la nature les a dotées. Charnues, oui, nous pouvons l’inscrire sans excès et sans délire fantasmatique. Certes, elles ne m’ont pas encore accueilli jusqu’au tréfonds de leur embouchure, mais j’y parviendrai par l’alliance de la douceur et de la détermination.
La teinte nacrée, la texture de soie chaude, elles ont la discrétion des vierges contrées et la complicité d’adolescentes assoiffées.
J’y exerce mes sens exacerbés jusqu'à l’heureuse perdition : je les mire dans leur frémissement, je les sens brûlantes sous mes phalanges, j’ois leur enchanteur ballottement, j’inspire la fragrance de la raie en ébullition et je reprends des saveurs de leur fraîche rose des vents...
Oui, Sandre, je l’avoue, je les aime !

************
Laon, l’An 96, un 5 juin ensoleillé.
Sandre mienne,
Comme un écho de tes soupirs dans le crâne, « j’ouïs le feu des orifices » disait une de mes dérives poétiques, avec d’ailleurs une incorrection verbale.
Nous avons presque aboli les contraintes géographiques pour satisfaire nos penchants réciproques. Essentiel à moi, Sandre, que tu continues à te confier, à me conseiller, à susciter ce qui t’enivre, à progresser vers ces instants d’exceptionnelle perdition.
Cette quête d’une symbiose irradiante des corps et des âmes est en voie, peut-être, de réalisation.
Ces frissons immergents que tu m’évoquais hier, en nocturne, me reviennent en flopées d’émotions.
Gageons que nous nous serrerons bientôt...
Bon courage pour tes révisions et vœu de réussite. Tendres désirs d’un fougueux.
************
Château d’Au., le 5 juin 1996.
Ma tendre Sandre,
Depuis mon dodo, tes courriers à mes côtés, je vais m’efforcer de rattraper le retard accumulé. Séance réponses donc...
[J’ai pensé à toi en allant à la pharmacie. Il existe une espèce d’urgo qui permet de ne pas ronfler : je n’y crois guère. Tu l’as dit à Karl que j’étais la seule à te l’avoir fait remarquer ?]
Je serais bruyant du tarin... tu confirmes les propos de Karl que je ne croyais pas. Mes ribaudes antérieures étaient soit sourdes, soit hypocrites... C’est tout de même terrible le concert nocturne en deux narines et trente-deux dents que nous allons faire.
[Ce désir de toi est grandissant, terres inconnues. Quand prendrons-nous à nouveau un bain ensemble ? Quelles sensations éprouve-t-on à faire l’amour dans l’eau ?]
Je me rebaignerai volontiers à nouveau avec toi et ta mousse hémorragique... Et pour s’unir, c’est quand tu veux. Je présume qu’une partie de sfouac-sfouac aquatique doit amplifier les SFOUAC-SFOUAC !!! Pour le reste, j’attends de le vivre avec toi. Et un soixante-neuf en apnée, ça te tente ?
[As-tu rêvé de moi ? Il y avait une table dans ce rêve ? (Rires)]
Pas de souvenir de rêve érotique avec toi. Pas d’explication à te fournir pour me justifier. En revanche, la proposition de réaliser une rencontre charnelle sur table reste très sérieuse.
[Me feras-tu des cajoleries contre ces arbres centenaires : franchir ces ponts qui mènent au ciel ? Tu sais que tu as un côté sauvage, animal ? (Sourire)]
Un plombage contre l’écorce d’un centenaire me semble plus difficile à réaliser, mais on tentera de se trouver un coin de nature... vierge où se débaucher. Et mon côté animal que tu décèles entre deux draps pourrait trouver là un terrain d’épanouissement supérieur.
[On rentrera dormir chez moi après la soirée à Mépin ?]
Bien sûr, nous retrouverons ton nid... Tu verras que nous vivrons notre propre noce érotico-sensuelle, voire carrément pornographique.
[As-tu mis de nouveaux épisodes à ton Journal ?]
Peu écrit dans mon Journal, peu de temps en fait. Le peu dont je dispose, je te le consacre par cette correspondance... Mais je parle un peu de toi tout de même, et en bien évidemment. [...]
[Tu penseras à m’envoyer des photos de tes petits chatons ?]
J’y pense fortement, mais ce n’est pas moi qui les possède... J’essaie de les récupérer depuis quelques semaines. Courage et patience.
[Cela t’ennuie si Fab est là à Cannes ?]
Si je viens à Cannes, ce qui demeure malheureusement hypothétique, je serais enchanté de connaître ton cousin. Aucun problème pour moi.
[Crois-tu que je serais mieux si j’avais moins une silhouette d’adolescente et plus celle d’une femme ?]
Sur ton corps, tu connais tes défauts, tu sais ce que j’aime chez la femme, mais tu sais aussi combien je te désire... Je crois qu’une détermination fondamentale est là pour transcender nos imperfections réciproques. Je n’ai rien à demander sur ce que tu ne peux pas changer... Par contre, si je sais que sur un élément particulier tu peux évoluer, je te le dirais avec beaucoup de tendresse, et pour ton bien. Voilà ma Sandre aimée. Délicat sujet non ?
[C’est étrange, tu n’as pas un goût amer.]
Pourquoi le sucré de ma semence te paraît-il étrange ? N’est-ce pas là encore une espèce d’alchimie que tu réalises par ton désir et ton amour ?
[Tu te rends beaucoup maître de tes extases, non ?]
Je le crois, bien que l’instinct conduise une partie essentielle de mon comportement sexuel. [...]
[Quelle est cette forme de bonheur dont tu m’as parlé dans ta dernière lettre ?]
Cette idée d’un bonheur à deux ne repose ni sur la passion, ni même sur l’amour. C’est la volonté fondamentale de deux êtres de construire quelque chose, avec ou sans enfants, pour accroître une harmonie faite de concessions, de compromis et surtout d’une moralisation absolue.
[Penses-tu que ce serait une bonne idée pour moi de changer d’appartement à la rentrée (pour prendre plus grand) ?]
Difficile de te conseiller. Si des questions d’économie financière existent, tu as probablement raison. Si cela n’est fondé que sur la taille, je ne vois pas une utilité pressante... Mais tout cela est un avis consultatif, comme on dit en droit, qui ne te lie en rien...
[La maison de ta grand-mère se situe où exactement ?]
Elle réside à Fontès, à une trentaine de kilomètres de Pézénas (ville de Molière) dans l’Hérault. [...]
[Tu sais que je n’avais jamais goûté et a fortiori bu la salive de quelqu’un ? C’est une coutume des amants tu nord ? (Sourire)]
La boisson salivaire est une pure invention de ma pomme. J’aime ta bouche et j’aime y boire. Jamais je n’avais fait cela avant. Et toi, aimes-tu cela ?
[Quand as-tu fait ta mononucléose ?]
En février je crois... à vérifier.
[Loïc, penses-tu que je devrais pardonner à mes géniteurs ? Que je devrais me réconcilier avec eux ?]
Je n’ai pas le droit de te conseiller, ça t’est trop personnel.
[As-tu déjà mangé de la confiture de roses ? As-tu déjà goûté aux pavés roses de Reims ?]
Je crois connaître la confiture de roses... et oui pour les pavés de Reims.
Un peu bâclé la fin, pardonne-moi. Mes bisous sont néanmoins profonds et intenses.
************
Le 8 juin 1996, depuis un train.
Ma Sandre,
Je suis parti du château la gorge un peu serrée suite à l’écoute de ton message sur mon répondeur. Alors nous voilà tous les deux sur le pavé, presque miséreux ! Toi qui ne pouvais imaginer de ne pas me voir pendant plus d’un mois, te voilà résignée à une absence de soixante jours, en espérant que nos projets de juillet résistent aux carences financières...
Non ! ma Sandre, je ne me résous pas à ta non venue le 29 juin prochain. Ce serait une trop grande déception (peut-être même un chagrin) pour Heïm, d’autant plus s’il en connaissait la raison. Il m’en voudrait beaucoup. Je te prends donc intégralement à ma charge. Je me débrouillerai.
J’espère que cette nouvelle décision n’était pas liée à une volonté de mise en parallèle par l’annulation des deux voyages.
Journée radieuse au château, mon bronzage se fait de plus en plus coloré.
Premier comité de rédaction pour la revue Histoire insolite que nous allons lancer en septembre. Un travail immense et passionnant nous attend. Je suis plus spécialement chargé des questions juridiques, de la recherche publicitaire auprès d’institutionnels, d’agen­ces, etc., de la recherche iconographique, de la supervision des textes qui doivent être faits (fonction de secrétaire de rédaction) et bien sûr de la ponte d’un ou plusieurs articles. Tu vois le poids de ma charge chère Sandre.
Désolé de cette relative froideur à ton endroit, mais seul un fond de tristesse la justifie.
J’espère que le voile se dissipera vite. Ton bien-aimé.
************
Paris, le 10 juin 1996.
Ma Sandre à embraser,
Je te griffonne ces lignes depuis les bords brûlants de la fontaine du Palais-Royal.
Je tenais par la présente à contrebalancer la teneur de mon dernier courrier quelque peu alarmiste et dramatisant.
Nous retrouver au moins une fois en juin m’est indispensable pour ne pas sombrer dans une néfaste morosité.
Nos retrouvailles autour de voluptés verbales, d’abandons aux coquineries (avec le [o] phonétique qui te transporte) téléphoniques compensent certes notre éloignement, mais la carence de toi demeure puissante. L’échange de nos fluides, les frissons d’un serrement de tes reins, mon oreille à l’écoute des secrets de ton nombril, l’inexorable glissement coordonné dans tes niches charnelles...
Voilà pour l’instinct. Une autre fois pour la raison. Très tendrement.
************
Depuis un train capricieux, le 11 juin 1996.
Mon amour de Sandre,
S’il convient de se faire une raison de ce manque de toi, l’obsession n’en demeure pas moins oppressante. Ma Sandre avec qui je voudrais tout vivre, tout tenter et qui se fait désirer sans pouvoir assouvir la bête gourmande.
Plus notre harmonie fondamentale sera profonde, nos accroches mentales inexplicablement bienfaitrices, mieux s’épanouiront nos communions sensuelles.
Une réflexion à brut : c’est bien la première fois que je n’appréhende pas une quotidienneté avec une jeune femme, mais que, au contraire, je l’attends avec une sereine plénitude envisagée.
Que ne m’as-tu pas encore raconté sur toi ma Sandre, tes angoisses passées et tes espoirs présents ? As-tu avec moi ces mêmes affinités sur la manière de concevoir une vie à deux que tu sembles commencer à en avoir dans nos intimités charnelles ?
Dans l’attente insatiable d’ouvrir tes lettres et tes cuisses, tes feuilles et ta bouche... Baisers d’amour ma Sandre...
************
Le 12/06/96.
Rien que pour ma Sandre
Ma douce envoûtée,
Je sors de la seconde lecture de ton courrier enflammé. Une véritable jubilation du verbe, du mot, de l’expression bien amenée. J’en suis encore tout troublé.
Tu es précieuse ma Sandre, et j’espère t’aimer avec une fougue croissante. Avec toutes ces puissantes images que tu m’as suggérées, je regrette d’autant plus notre éloignement.
Sandre d’albâtre pour la peau, fauve pour l’âme, j’espère que nous incarnerons un parangon de dualité sans retenue.
Quelques petites réponses :
[Tu as ta tenue définitive pour le mariage de Nadette ?]
Pantalon de lin crème, veste noire à acheter et une chemise à déterminer. Nœud papillon ou cravate... En bref : très flou.
[J’aimerais bien me remettre au piano, à la danse, et reprendre mes langues étrangères (anglais, espagnol). Mais où trouver le temps nécessaire ?]
Une bonne idée de te remettre au piano, une touche noire par-ci, un carcinome par-là, un accord de blanches de ce côté, une palpation de l’ampoule rectale de l’autre... Virtuose ma Sandre !!! Hé hé.
[Madeleine Chapsal est sortie avec un ministre dans le passé ?]
C’est avec le fondateur de l’Express, Jean-Jacques Servan-Schreiber que Madeleine a été mariée. Pour le reste (hormis l’écrivain Roger Nimier) je ne connais pas ses aventures.
Dans l’attente de te retrouver, je t’aime à distance.
************
Au., le 13 juin 1996.
Courage pour tes révisions ! ! !
Sandre, ma promise,
A l’heure où je t’écris, une petite boule d’angoisse doit germer dans ta gorge ma Sandre. Je suis de tout cœur avec toi. Ne dramatise pas trop tout de même. Dis-toi que tu as largement les capacités intellectuelles pour réussir brillamment tes deux épreuves. Ce qui n’est que la pure vérité.
Je poursuis mon travail tous azimuts. Ma rencontre de lundi avec mon directeur de mémoire s’est très bien passée.
Peut-être, dans une semaine, nos retrouvailles enchanteresses.
Avec mon plus ardent des soutiens... Ai confiance et MERDRE ! comme dirait l’Ubu !
************
Paris, le 15 juin 1996.
Amour de Sandre,
Après les explications torturées, une instinctive réconciliation par les ondes téléphoniques. Belle prouesse, hé hé.
Ton courrier, lu en arrivant dans ma chambrette lutécienne, m’a encore une fois profondément touché. Je t’espère. Ne surtout pas gâcher nos rapports est ma hantise. Je connais mes vieux démons...
S’interroger est une saine approche des aspérités de nos relations. T’ouvrir, corps et âme, me réserve de précieuses découvertes.
Très vite nous allons patauger ensemble dans les eaux cannoises. J’en frémis de plaisir.
Baisers ardents, pensées obsédantes.
Bonne route vers Cannes ma Sandre d’amour !
************
Château d’Au., le 16 juin 1996.
Ma Sandre d’une vie,
Je sors d’une journée merveilleuse de la fête des pères. De nombreuses pensées me liaient à toi. Hermione a offert son premier bronze, très impressionnant. Heïm m’a à nouveau dit son bonheur de te rencontrer dans 15 jours. Et moi, quelle fabuleuse chose de te voir deux week-ends de suite... Je te montrerai le parc du château, le village, la ferme et le château Richard... Aimons nous très très fort pour compenser cette lancinante absence.
Tes courriers coquins et adorables me sont d’une précieuse compagnie. Je vais essayer de prendre appui sur certaines de tes images pour participer à ton feu littéraire.
Moi, « félin doux et puissant » ? Un équilibre instinctif qui anime mon désir. Investir ton corps et se laisser envahir par tes élans gourmands.
Ta chevelure et mes mains, mes paumes et tes mèches font bon ménage. Le parfum qui s’en exhale attise ma sauvagerie sous-jacente. Mes doigts, des « lutins malicieux » ? Tu fais de véritables trouvailles poétiques ma Sandre. Je vais devenir jaloux de tes capacités créatrices, hé hé.
Se promener sur tes finesses galbées, sur ton grain de peau, sur les contours humides de ta vulve frémissante, avaler ton petit clito gonflé, sentir ton petit cul frétiller sous mes à-coups libérateurs. Voilà que je fais dans le carrément osé ! J’espère que tu tiendras le choc. Tu m’inspires que veux-tu... [...]
Appel à ma Sandre, retour à 0h04.
Je reviens tout empli d’intensités... Inexprimables sensations d’un attachement sur le fil du rasoir.
La suite au prochain courrier ma douce. Je t’embrasse sans fin.
************
Au, le 18 juin 1996.
Chère Sandre mienne,
Est-ce que Sandrie te plairait davantage comme petit nom ?
Te voilà libérée de tes épreuves, et nous voilà au seuil de retrouvailles tant attendues.
La « gaillardise toute païenne » que tu me prêtes est un sel vivifiant de notre rapport. Le propre de notre intimité est de ne point bouder une complicité croissante.
Où peut donc se nicher cette « douceur de mon âme parfumée » ? Je me la brosse à chaque résurgence démoniaque du satyre puant... hé hé ! Je te laisse le soin de décrypter à ma place.
L’irrésistible conquête de l’empire des sens, voilà qui peut-être te comblera. A quand nos délires charnels renouvelés quotidiennement ?
Nos « étourdissantes orgies » ? Tu le ressens vraiment ainsi ? Mais à quoi ressemblera donc notre total épanouissement ? A une innommable perdition ?
Les saisons froides de notre amour sont, je l’espère, très loin, comme un mauvais horizon. Cultivons nos facultés d’étourdissement mutuel, de régénération chaque fois recommencée, et la voie sera la bonne.
Pourquoi cette peur d’être une femme galante sous l’agilité titilleuse de mes doigts ? Cette réserve, même infime, que tu mets en toute chose, est-ce ton secret de préservation ?
Nos accroches sont ridicules, en réalité, comparées aux plaisirs pris et à prendre, à ce bien-être que je ressens à tes côtés. Ce choix de toi, il est le fruit de la raison plus que de la passion, mais il est, je crois, plus solide... [...]
A te baiser... les lèvres... ma chatte sandrée.
************
Le 19 juin 1996.
Ma Sandre, cannoise préférée,
Ce petit mot en forme de retour d’émotions de ta carte au coquelicot rougeoyant.
Notre heure approche. Espérons que les cumulus ne nous frustreront pas de l’astre chauffant.
Quelle préférence ma Sandre : nos rapprochements entre deux draps, nos barbotages dans la grande bleue, nos escapades dans les verdoyantes un chouïa aride de l’arrière-pays ou la simple respiration de nos liqueurs mélangées ?
Je te laisse à tes songes et je m’imprègne de ton souvenir. Câlinement.
************
Château d’Au., le 19 juin 1996. A 23h08.
Fine Sandre,
Comment va s’opérer notre nouvelle entrevue ? Pas d’appréhension chez moi bien sûr, mais une certaine fébrilité : ce n’est que notre quatrième rencontre depuis six mois de correspondance. Troublante distance entre notre infinie complicité et la rareté des moments partagés dans notre totalité humaine. Bon, je complique tout... désolé hé hé !
Comment peut-on doubler l’intensité d’un instant avec toi ? Je me sens mollement inspiré ce soir, ne trouves-tu pas ?
23h30. Je viens d’avoir ton message sur mon répondeur d’avant sommeil. Je n’ai pas pu t’appeler avant, car Karl s’est occupé du disque dur malade de mon ordinateur. A cette heure avancée, je n’ose pas déranger la Villa Maupassant.
Petite page culturelle pour ma Sandre. Une très jolie citation de Léon Bloy : « La parfaite stupidité de ce jouisseur ithyphallique est surtout manifestée par des yeux de vache ahurie ou de chien qui pisse. » Le jouisseur n’est autre que le pondeur de Boule de suif !!! J’ai eu l’explication des déviances de Maupassant dans le Journal de Léautaud qui rapporte certains de ses écrits, légèrement allumés, du genre : « Je sens le con. J’ai beau me laver je sens le con, et quand je marche dans la rue les gens bandent ! » Citation de tête... si je puis dire.
Heu... pourquoi je te cause de cela... Serais-je autant en manque ?
Un reportage sur la Une traitant des mères prostituées. L’horreur absolue, le gâchis des filles plongées dans ce contexte sordide. Témoignages touchants de jeunes femmes conscientes et terriblement lucides.
Je ne t’ennuie pas plus longtemps ma Sandre pure, et je t’envoie mes plus attentionnés baisers.
Je volerai bientôt vers toi...
************
Le 21 juin 1996, 6h30, à Laon pour Lutèce.
Ma désirée,
Une dernière fois avant mon envol, ces quelques tracés d’amour. Comment concentrer en trois jours et trois nuits la tension sentimentale accumulée ? Tu ne liras cette lettre qu’à la fin de mon séjour et nous mêlerons nos langues, nos bras et nos corps une heureuse fois de plus.
Tes adorables courriers reçus cette semaine m’accompagnent. Je pioche çà et là quelques phrases chantantes comme un baume agréablement parfumé. (J’ai noté que tes dernières lettres exhalaient une senteur...)
Je vais retrouver les pages quadrillées de mon brouillon de mémoire. J’attaque la PIIIA3°, « Le sentiment d’une imposture démocratique ». Sensible sujet n’est-il pas ?
Avant cet exercice intellectuel, je te souffle mes plus braisés baisers et t’applique d’inondantes caresses.
************
Mardi 25 juin
Du vendredi à lundi, séjour à Cannes, invité par Sandre et sa mad. Délicieuse ma Sandre, sans réserve. Je l’emmène au château dimanche prochain. Un bonheur en perspective. Notre correspondance, toujours aussi fournie, compense l’éloignement.
Le lancement du mensuel Histoire insolite se prépare... Beaucoup de travail passionnant en perspective, mais des combats rudes à mener pour gagner.
Je finis la rédaction du brouillon de mon mémoire de lettres.
Pour la fête des pères, Hermione offre à Heïm son premier bronze.
Le Journal inédit de Léon Bloy (édité par l’Âge d’homme) révèle une image bien décevante de l’écrivain. Peut-être une explication du « faux bonhomme » employé par Léautaud.
Côté actualité, rien de transcendant. A noter tout de même l’élection d’un juif de la droite dure pour mener le destin d’Israël.
Hé hop...
************
Le 25 juin 1996.
Ma coquine exclusive,
Curieux effet de passer en un peu plus d’une heure de la chaude compagnie de ma Sandre et de l’ensoleillement cannois aux grisailles humides d’une Lutèce sans attrait.
Quel doux séjour tu m’as offert par ton infinie gentillesse, tes attentions de tous les instants et cette féminité un peu sévère qui intensifie nos rapprochements.
Si nous poursuivons cette entente, je vais de plus en plus désirer une existence quotidienne avec toi. Nous pourrons, je l’espère, nous battre ensemble pour approcher un bonheur dualiste.
Tout ce qui peut subsister encore d’angoisses ne vient que de ma propre nature, et je ne doute pas qu’elles s’amenuiseront irrésistiblement.
A très vite pour te serrer à nouveau.
************
Le 26 juin 1996.
O ma Sandre,
J’ai manqué à mon devoir de répondre aux questions de tes deux courriers lus dans l’avion qui me menait à tes bras. Allons-y donc...
[Tu n’as pas le mal de mer ?]
Je n’ai pas d’expérience suffisamment profonde pour déterminer si je suis sujet au gerbage... pas dans mon bain en tout cas.
[Pourquoi, au fait, « château Richard » ?]
Confirmation que le nom de château Richard tient au propriétaire qui a édifié ce bâtiment. Karl a trouvé dans une brocante des cartes postales du début du siècle qui montrent les différents châteaux et le village au début du siècle. Emotions garanties avec cette plongée dans le temps.
Hier des Américains (du grand-père à la petite fille !) ont débarqué en Renault Espace devant le château. Le vieux monsieur, militaire dans la Royale Air Force je crois, avait loué en 1952 le château du vieux Gué (où se trouvent actuellement des débiles) et avait été reçu par monsieur B. (l’ancien propriétaire de notre château) à un somptueux dîner. Il n’était pas revenu depuis cette époque et s’est installé dans l’Etat de Philadelphie.
[Ce n’est pas là que le personnel de la maison d’édition doit emménager ?]
Les employés prendront place, sitôt les travaux finis, dans l’ancienne ferme que François Richard vient d’acheter.
[Tu penses sincèrement que je pourrais habiter sur tes terres ?]
Je crois que tu t’y sentiras très bien ma Sandre, mais avec toute cette pression familiale, en auras-tu encore envie ?
[Tu as peur ou tu redoutes, je ne sais pas le mot juste, que je t’échappe à tout instant. C’est impossible, je me détruirais. Tu ne comprends donc pas que tu es la clé de voûte de l’édifice sandrien ?]
C’est joli et très agréable d’être l’élément essentiel de l’architecture sandrienne... Il ne faut pas que je me baisse trop alors !
[Tu aimes les pistaches ?]
J’adore autant que les noix de cajou que je t’ai piqués à la piscine ma Sandre.
[...]
Je repense à nos rapprochements contenus, pour ne pas exploser, et à ma jolie Sandre, toute fine dans son ensemble crème... jolie Sandre... l’air aristocratique.
Je t’aime, en pensées et en corps. A très vite.
************
De mon lit Auois, le 27 juin 1996.
Ma Sandre fragile,
Désolé de mon manque de convivialité au téléphone, mais j’éprouve une réelle fatigue physique après un travail intense dans le parc. Pourtant, sans te le dire, j’éprouvais une envie sans norme raisonnable de te faire une myriade de choses aux dénominations sulfureuses. [...]
A propos du massage que tu désirais dans ta lettre des 19-24 juin, une connasse entendue à la radio tenait absolument à ce que cette activité soit définitivement séparée de la sensualité qu’on y attache. [...]
Le 29/06/96. A-y-est ma Sandre, je me mets aux courriers à épisodes, suivant tes traces.
Pour une fois, je ne suis pas mécontent de retrouver la grosse Lutèce, car je vais y dénicher un adorable bout de Sandre...
Tes angoisses, tes doutes, n’hésite jamais à m’en faire part ma tendre. Je ne suis pas seulement proche de toi pour te câliner, mais également pour t’apporter à tout instant le soutien dont tu as besoin. [...]
Bientôt le mariage de Nadette, puis notre départ, en musique, vers l’Ile de Ré.
Je t’embrasse chastement ma Sandre adorée...
************






Aucun commentaire: