Septembre/Octobre

Le 3 septembre 1996.
Mon amour mystique,
Quelques échos de tes baisers et me voilà gonflé à bloc... Demain, dernière action, la plus facile, avant de savoir si je suis maître ès lettres... Toi, ma Sandre, tu es déjà une doc ès amour... Courage pour le reste...
Nous voilà en phase pour l’union, ne reste plus que le passage à l’acte...
[...] Bientôt 27 ans ma tendre... et renaissance je l’espère.
Mes plus profonds baisers.
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Jeudi 5 septembre
Vraiment plus le vent en poupe ce Journal... plutôt devenu un très épisodique carnet de bord. Manque d’envie, d’entrain ? Probable. La correspondance entretenue avec ma Sandre et le mémoire de lettres modernes que je viens de remettre n’ont pas arrangé les choses.
Je soutiens mon travail la semaine prochaine : en fait simple formalité, petit entretien avec Marc D., mon directeur de mémoire.
Confirmation de la publication de mon étude à l’OELH. Peut-être l’enverrais-je aussi à quelques grands éditeurs parisiens.
Toujours au beau fixe avec Sandre qui m’a divinement reçu le troisième week-end d’août. Arrivé le vendredi soir, Sandre en garde, toutes ses attentions m’ont touché : mots adorables (jusqu'à un « Welcome my love » et un gros bisou sur la glace de la salle de bain), petits cadeaux, repas charmants et table magnifiquement dressée, longs et intenses moments d’amour. Pas de contestation possible, elle me fait du bien, et je l’aime.
Le 12 septembre, elle aura 27 ans... nous serons liés à distance.
L’actualité n’a vraiment rien d’emballant. Le nouvel anathème chez Big Média : la pédophilie suite à un drame en Belgique. Le bien nommé Dutroux auteur de crimes divers : séquestration, meurtres, pédophilie et... mensonges ! Et l’inspecteur belge s’appelle : Jean-Marie Boudin !
Eu mon vieux professeur Jean R. au téléphone. Je lui ai annoncé qu’il serait l’un des dédicataires de mon ouvrage. Je le sentais ému. Il a conservé sa vivacité intellectuelle et semble très en accord avec moi sur les problèmes actuels de la société.
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Le 5 septembre 1996.
Ma dulcinée d’amour,
Bercé par le rythme ferroviaire, j’abandonne un instant le Journal de Karl Juliet pour te noircir cette unique feuille vierge qui m’accompagne.
Vers quelles enivrantes contrées tu m’as encore emmené ma Sandre, moi l’initiateur de tes folies... Quel bien de te sentir abandonnée à moi et inflexible aux autres.
J’espère que notre fusion à distance t’aura dopé pour ton épreuve.
Ton petit panier fleuri aux vers sandriens m’a beaucoup touché. Tu es douée ma douce.
Il est parfois terrible de se laisser chacun dans ses désirs satisfaits à distance. La chair, le souffle, le parfum, les sucs d’amour à goûter... tout cela permet une dimension sans égal.
Lions-nous ma Sandre.
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Le 5 septembre 1996.
Ma Sandre préférée,
Sitôt rentré au château, ma barquette présente l’abon­dance de tes attentions : quatre lettres à mon intention. Tu me gâtes, ma tendre.
Tes angoisses ont déteint sur moi hier soir. Je n’étais pas jouasse... Je tiens à toi et je me sens un peu désemparé face à tous tes problèmes.
Ta conception du cadre de l’union maritale me convient parfaitement. Crois bien que la réussite de notre dualité ne dépend pas de formalités administratives ou de circonvolutions religieuses.
Hé hé... tu trouves « navrantes » certaines de mes pensées, mais oui ma Sandre, je ne recule devant rien pour t’étonner.
Nous sommes dans une civilisation chrétienne, les influences sont donc normales... Enfin, je ne m’étendrai pas plus.
Je t’aime bien en femme-fontaine et mes tympans sont tout émoustillés.
Te dire ma manière de penser n’est pas chez moi une volonté de te déstabiliser. Je n’y ai aucun intérêt.
Pour le ski, tu as quartier libre, mais sans moi... Je ne vais pas aller faire le con débutant à mon âge... Comme si j’apprenais les patins à roulettes.
Je ne fêterai pas mon anniversaire, donc pas de convenance familiale pour moi... plutôt financière.
Ta carte The Kiss est magnifique, et les mots inscrits me donnent des envies gloutonnes et possessives... Jamais ne se lasser de nos réunions charnelles.
Pour les ouvrages sulfureux : je te conseille La philosophie dans le boudoir du marquis de Sade. Bien gratiné.
J’aime la tournure coquine de notre relation. Malgré la distance, l’entretien de nos désirs et pulsions attise nos rencontres d’une intensité singulière.
Important de poursuivre notre complicité amoureuse et de reléguer aux oubliettes toute accroche.
Mettons toute la panoplie de nos envies en action. Raconte moi tout ce que tu as au tréfonds.
Tu es en tout cas de plus en plus attachante.
13h48. Je stoppe mon poignet et retourne à mes occupations perverses. [...]
Tendrement dévoreur de Sandre.
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Le 7 septembre 1996.
Ô ma Sandre,
Etendue sur ta couche, je me glisse sous tes draps soyeux. Ton corps brûlant s’ouvre et ta croupe se colle à mon sexe dressé. L’instinct nous saisit et notre danse charnelle s’effectue dans un rythme sulfureux.
Ma Sandre [...], mon imagination t’anime dans toutes les postures.
Sage je suis, sage je reste.
Ô ma sexuellement mienne... [...]
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Le 9 septembre 1996.
Ma Coquine,
Alors je ne suis pas assez déluré pour toi, hé hé. Faut qu’ça mouille, qu’ça jute, qu’ça pisse partout pour commencer à t’émoustiller.
Toi l’indomptable, te voilà sulfureuse en diable.
Tes mots me bercent ma Sandre, et tous tes désirs vont bientôt prendre forme.
Croyons en nous et construisons. Aime-moi avant tout au-delà de toi, fais-moi passer avant tout autre chose.
Cet absolu est ma drogue revigorante.
Gloutonnement tiens.
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Mardi 10 septembre
0h15. Pour rendre service à une copine de fac. Je tape un bout de son mémoire sur une facette de l’écriture de Marguerite Duras. Cet écrivain, que je n’avais jamais lu, me rappelle la sale manie d’artistes-peintres modernes qui prennent pour une évolution l’enlaidissement de l’art. L’avilissement de la forme comme du mot... Et moi de même, trop tard, trop nu...
L’actualité ne retient plus un brin mon attention. Avec un discours aux ficelles de plus en plus voyantes, les politiques fatiguent. La couche de poncifs est trop épaisse pour pouvoir nourrir l’auditoire éclairé.
Ma Sandre au tél. Très doux et coquin moment. Elle me fait du bien. Je dois la retrouver dans son nid le 19 septembre au soir. Nous partirons ensemble en voiture pour Fontès.
Je lis, entre autres choses, le tome I du Journal de Karl Juliet. Beaucoup de choses dans son rapport au monde forment aujourd’hui ma face cachée, et j’y reste très sensible. Une désespérance égocentrique.
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Le 10 septembre 1996.
Tendre Sandre,
Minuit quarante-huit et je n’ai pas encore rejoint Morphée.

Je regarde une fois encore L’Amour et guirlande de fleurs de Carlo Maratta que tu m’as envoyé : couleurs chaudes d’une nuit en transes...
Notre « dimension charnelle » s’est encore une fois magnifiquement révélée, malgré les centaines de kilomètres entre nous. [...]
Grrr... encore en train de me parler bagnoles... Prends-toi un garagiste ‘de dieu ! (hé hé).
J’ai en effet terriblement besoin d’une Sandre constructive, transcendante, joyeuse, grandissante. J’essaie­rais de t’aider au maximum dans les épreuves que tu rencontreras, mais accorde moi ta confiance absolue... et ne voyons pas notre avenir en modèle réduit. Pas de fatalitas qui tienne.
Nous nous entendons merveilleusement, nous sommes aptes à nous faire jouir mutuellement. Que désires-tu de plus ? Peut-être une grosse teuf-teuf... Moi qui pensais que mon braquemart te suffirait.
Mes plus pénétrantes pensées pour toi...


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Le 11 septembre 1996.
Ma Sandre au vingt-sept printemps,
Cette reproduction du château au début du siècle tout spécialement pour toi.
En hommage à ta gentillesse et à ton amour.
Tout mon amour pour toi.
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Paris, le 14 septembre 1996.
Ma Sandre à dorloter,
[Savais-tu qu’il y avait une école monastique renommée à Laon au Moyen Age ?]
Tu m’en apprends sur Laon... je présume qu’elle se situait
(logiquement) dans le monastère qui abrite aujourd’hui la bibliothèque : magnifique bâtisse encore imprégnée de la sérénité requise pour la méditation.
[Tu ne fêtes pas ton anniversaire ? Pas de gâteau, de bougies et de cadeaux ? C’est toi qui impose ce choix ?]
Je ne le fête pas vraiment. Enfin, cela dépend des occasions... Je suis un peu en dehors de cela... mais je reçois toujours des attentions diverses.
[J’ai déjà lu Sade (« Justine ») mais c’est trop sado-maso (cela va jusqu’au meurtre !) et ça ne m’excite pas du tout, c’est écoeurant même cette profusion de souffrances.]
Je crois que La philosophie dans le boudoir ne se répand pas trop en hémoglobine. [...]
Je me sens un peu lourd de la plume ce matin... Je ne vais donc pas m’obstiner à gribouiller des bêtises.
Bientôt nos retrouvailles... Comme jeudi prochain je serai à Paris pour voir mon directeur de mémoire, je prendrai un train plus tôt dans la soirée pour nous laisser une nuit plus longue afin de combler nos appétits.
A te lire et à te prendre. Voracement.
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Le 15 septembre 1996.
De mon dodo, ma Sandre, ces quelques notes pour me rapprocher de toi. Suis-je donc si lourd d’esprit que je n’ai pas décelé les signes qui font de ton amour une primauté avant tout autre chose ? Pardonne-moi... je n’en doute pas un chouïa... Disons que ma plume a dérapé.
Je ne veux te témoigner que mon soutien extrême dans tes soucis divers. T’adoucir au maximum les épreuves qui t’attendent. Voilà ma Sandre... Comment faire... espérer que la délivrance sera positive. Ce sera ta renaissance.
Tout mon amour.
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Le 24 septembre 1996.
Ma Sandre,
En partance pour Laon, c’est à moi de te féliciter de vive plume pour ta réussite estudiantine. Que cela éveille en toi un soupçon de confiance en tes capacités.


Je relis les courriers que tu m’as adressés la semaine dernière : je suis littéralement bercé par l’amour que tu y insuffles. Mais je reste perplexe quant au décalage entre le débordement amoureux qui se manifeste dans tes lettres, dans notre intimité charnelle, et le comportement parfois presque distant qui modèle certaines périodes des rares moments partagés. Cela tiendrait-il à un droit de réserve que tu t’imposes (lequel laisse place parfois à une semi-agressivité en public) ou est-ce le fait de mon attitude t’apparaîtrait insupportable ? Aucun reproche dans cette réflexion-interrogation, juste le désir de te mieux cerner pour mieux t’appréhender.
Je t’embrasse sans retenue.
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Jeudi 26 septembre 1996
Le week-end dernier chez ma grand-mère, à Fontès, avec Sandre. Présence de mon oncle Paul et de son amie que je n’avais pas vus depuis dix ans. Je n’ai décidément rien à faire avec cette famille de sang. Temps exécrable et atmosphère peu conforme à mes attentes.
Ma grand-mère, très diminuée physiquement, se montre très gentille par rapport à Sandre et moi.
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Le train corail, le 2 octobre 1996.
Ma Sandre,
Je reprends la plume après quelques jours d’abandon. Notre fâcherie
avait-elle un sens ? L’échec de ma proposition nocturne tendrait à le confirmer. Il ne faut surtout pas que la morosité gagne notre rapport.
Nous vivons les meilleurs instants de notre amour, selon la littérature qui aborde ce sujet. L’ivresse de l’attente, le désir démultiplié, l’absence de tout ternissement quotidien, etc. Mais peut-être ne dois-je vivre avec toi que des moments de dualité, sans immersion dans quelque monde que ce soit ? Je ne suis peut-être pas capable de t’assumer en public. Ton quant-à-soi restant fort, ta fierté plus puissante que tes sentiments, je ne peux te demander ce devoir absolu de réserve.
Vrai que tu me manques et que je souhaite un renouveau perpétuel de notre complicité, comme celle, très singulière, que nous avions eue pendant quelques semaines en 1992, sans s’être vus, et sans sentiment avoué ouvertement.
A moi aussi de ne pas insuffler de la gravité et de noircir des choses bénignes. A toi, ma Sandre, d’être plus généreuse, non pas dans tes attentions à mon égard qui sont merveilleuses, mais dans le fond. Difficile à expliquer : le propre d’une femme, pour moi, est de savoir effacer, à certains moments, ses désirs d’exister devant son amour de l’être choisi.
Un peu confus tout cela, j’en suis désolé. J’ai hâte de te revoir.
Je t’embrasse partout.
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Le 4 octobre 1996.
Ma Sandre,
Très touché par tes deux cartes magnifiques. La mélodie de tes sentiments m’enchante. J’espère te retrouver très vite avec ces douces attentions.
Les photos de Sandre petiote avec son adorable petite frimousse et ses mignonnes petites culottes : que demander de plus ?
Je me suis mis au bleu [couleur de l’encre utilisée] pour un temps. Le travail se démultiplie... Je ne me trouve pas très créatif dans mes courriers. Je vais devoir me secouer un peu si je veux demeurer attractif.
Mes lettres pourraient également aborder des sujets d’actualité, ce qui remplacerait aisément mon Journal.
Dans l’attente de te serrer, de gros baisers.
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Le 5 octobre 1996.
Ma Sandre,
Fourbu dans le train qui me ramène vers la grosse Lutèce, la journée n’a pas traîné. Karl et moi en vadrouille à Laon, Soissons et leurs alentours pour la mise en place de nos dernières publications : notamment une monumentale Histoire de Soissons, 1176 pages, 348 F...
Demain, visite successive chez pater-mater pour mes vingt-sept ans... pas de quoi pavoiser.
Mon attente devrait être très vite satisfaite. Dans moins d’une semaine nous serons réunis dans mon nid parisien. Promettons-nous que de bonnes choses. J’essaierais de ne pas oublier la bouteille de champagne.
Avec le branle-bas de combat médiatique contre la pédophilie, assimilant d’ailleurs, dans une grande confusion, l’acte meurtrier et le simple abus sexuel, j’ai fait la semaine dernière un cauchemar désagréable, ce qui ne m’était pas arrivé depuis belle lurette. Je te le narrerai de vive voix.
J’ai gardé ton critérium au fond de mon sac : plus la peine de te le retourner.
Les séminaires de DEA reprennent le 21 octobre. Je vais probablement réunir mes obligations universitaires les mardi et mercredi. Mme M., qui avait eu à noter mon exposé sur « la critique dramatique de Maurice Boissard dans l’entre-deux-guerres », n’a été qu’en louanges à mon égard auprès de Marc D. Je ne vais donc pas hésiter à la faire profiter cette année encore de mon agréable compagnie, hé hé !
Te voilà devenue la destinataire presque exclusive de mes gribouillis sur papier, dépassant de loin mon Journal qui vieillit dans un coin.
J’ai un sentiment de désintérêt extrême pour l’actualité. Voilà qui ne me poussera pas à reprendre l’écriture de ce témoin scriptural. Pas d’envolée dans cette société qui hésite entre léthargie et barbarie. Ce qui se prépare dans les services de Toubon la girouette me fait frémir : le délit d’opinion renforcé... Voilà peut-être qui vaudrait bien l’affûtage d’une plume, à défaut d’une lame.
Je pense à toi ma Sandre. Merci de ton attention pour mes élucubrations tardives.
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Le 7 octobre 1996.
Ma Sandre,
Ta venue sera honorée de tout ce que tu souhaites.
Nous irons au musée du Moyen Age, mais j’aimerais que tu m’accompagnes samedi après-midi pour l’achat de vêtements.
Je t’emmènerai au Palet, ou dans un autre restaurant, samedi soir. Passer de doux moments ensemble.
Mon mémoire devrait bénéficier d’un tiré-à-part de trois cents exemplaires au cours du mois.
Te voilà donc rassurée par ton affectation. Nous pourrons continuer le rythme de nos entrevues.
[Est-ce que la santé de ton papa de cœur est stationnaire ?]
Oui, mais elle reste dangereusement fragile.
[Penses-tu rompre avec tes parents ?]
Si mes parents acceptent mon choix d’adoption, pas de rupture... Sinon...
[Viendras-tu me voir, comme tu me l’avais dit au téléphone, le dernier week-end d’octobre ?]
J’espère... mais rien n’est sûr.
Tendres pensées.
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Le 9 octobre 1996.
Sandre d’amour,
Quelle douce lettre j’ai reçu ce matin. Cela me met en appétit pour nos deux jours de réunion.
La cassette de Satie est très agréable. Curieusement, la musique de ce compositeur me rend mélancolique, alors que les titres relèvent presque du grotesque. Très bonne idée que tu te remettes au piano. Mais où vas-tu jouer ? J’ai été moi dégoûté du Conservatoire tout jeune, mais pas de la musique. Mon oreille musicale améliore ma médiocre dextérité au piano.
[Me parleras-tu de ton nouveau mémoire ?]
Mon sujet pour l’Ecole doctorale : Heïm et le pamphlet depuis 1950. Je suis à ta disposition pour t’en parler.
En attendant de nous serrer pour de vrai. Je t’inscris ma voracité.
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Le 18 octobre 1996.
Ma douce attentionnée,
Les abords brumeux du monstre d’acier lancé vers Lutèce irisent la clarté naissante d’une aube bleutée. Voilà pour la note poétique.
J’espère que ta villégiature cannoise, entre grosses gouttes et rayons de belle arrière saison, t’aura apporté le repos mérité et le ressourcement nécessaire.
Le vil pôple s’est encore cru le centre du monde hier. Ces masses de grévistes gueulant leurs inconséquentes revendications et remuant leur puanteur foireuse : double raison de gerber.
Pourquoi l’homme devient-il sous-merde dans tout mouvement collectif ? Sa nature profonde n’a-t-elle rien de plus élevé que ces piètres démonstrations d’anéan­tissement de toute individualité responsable ?
Désolé de cet écart ma Sandre, mais la fureur me submerge. A l’impuissance de l’acte, sauf à adopter les méthodes du FLNC, se
substitue la violence du verbe.
Comment maintenir en soi un chouïa de passion dans son rapport au monde si ce n’est en n’éludant pas ses germes d’indignation ?
Et la magistrature poursuit son entreprise de démolitions... A quand le premier juge défenestré ?
Je t’embrasse tendrement.
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Le 20 octobre 1996.
Adorable Sandre,
Tu me gâtes. Entre tes très jolies cartes cannoises et l’eau précieuse de Rochas, mes sens sont comblés.


Mon dimanche automnal s’achève. Assis sous un noyer du château, la fraîcheur humide de la terre et des feuilles sous les fesses, j’ai fouillé l’endroit à la recherche des nourrissants cerneaux.
J’espère pouvoir venir dans ton nid lyonnais le week-end prochain. Déguster chaque seconde en essayant de perpétuer l’instant.
Pris par le sommeil, je t’envoie mes plus tendres pensées.
A nos enlacements.
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Le 22 octobre 1996.
Ma douce à nuitée,
Sur un coin de table de la Sorbonne nouvelle, j’entame le défrichage des émotions nocturnes partagées.
Petite anecdote pour le sourire : à une place de moi, dans la bibliothèque rayon littérature, s’est installée une jeune femme qui renifle sacrément des aisselles. L’idée de la nature sauvage, nasaux ouverts, vient de prendre une nouvelle dimension.
Les tiennes sont à lécher, celles du jour me soulèvent presque le cœur. Cela me fascine : comment une demoiselle peut exhaler le vieux bouc de la sorte !
Après ce détour zoologique, je reviens volontiers vers tes antres parfumés... où la saveur charnelle épouse l’enfer jouissif... La tension pour œuvre métaphysique éphémère.
Tu ne t’es donc pas encore révélée dans ta totalité... Si la réserve ne s’ancre pas ad vitam aeternam... je n’en suis pas chagriné.
Les kapos du conformisme préparent une loi sur le délit d’opinion qui nous aurait privé d’œuvres essentielles d’un Céline, d’un Rebatet, d’un Drumont... J’enrage de cette involution... Me laissera-t-on au moins accomplir jusqu’au bout mon travail sur le pamphlet heïmien, l’un des plus éblouissants ?
Je t’enlace ma Sandre.
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Le 29 octobre 1996.
Ma Sandre,
La tempête ne nous a pas fait tomber le ciel sur la tête, mais elle poursuit sa danse bruyante dans les feuillages jaunis.
J’espère que tes douleurs vont passer... bien vaccinée contre tout. [...]
Nous avons achevé les derniers préparatifs pour mon livre : index, table des matières... Me reste le quatrième de couverture.
Je t’embrasse très fort... à vite.
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Le 30 octobre 1996.
Ma Sandre,
Ton courrier du 28 m’a paru bien grave. L’épisode de notre accrochage doit être pour nous l’occasion de se montrer parfois plus adultes dans notre rapport, et de moins songer à notre fierté. Stopper avant de se laisser aller à la surenchère.
Je souhaiterais aussi que, de ton côté, tu comprennes ce que j’attends de toi, dans tes sentiments et ta générosité. Je préfère que tu exprimes ton chagrin, comme une femme sensible que tu es, plutôt que tu le convertisses en agressivité froide. Que tu le sois avec les autres, oui, mais pas avec moi...
Nous avons, en effet, plein de choses à partager... et j’aimerais te retrouver avec une âme constructrice. Notre entente doit perdurer... et ne doute pas de tes sentiments, au-delà des miens.
A t’embrasser.
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